صدر هذا التحقيق بين 14 و 28 مارس 1979 في مجلة جون أفريك الأسبوعية في ثلاث أعداد متتالية، أعدته مراسة المجلة سهير بلحسن الوجه الصحفي والكاتبة والناشطة الحقوقية المعروفة داخل تونس وخارجها في ما بعد.
يعتبر التحقيق أول تحقيق موسع وشبه شامل للحركة الإسلامية في تونس التي أعطاها التحقيق تسميات ونعوت عدة من المتطرفين إلى التجديد الإسلامي إلى الإتجاه الإسلامي مما يشير إلى أن عالم الإعلام والسياسة لم يستقر بعد على تسميتها.
تم إعداد التحقيق بحسب ما يبدو من خلال بعض فقراته في خريف سنة 1978 وبداية سنة 1979 على الأقصى. لكنه نشر بعيد الثورة الإيرانية بحوالي شهر، وبدا وكأنه صدى لتأثيراتها. وهو أمر لا يمكن أن نلغيه من الحساب على الأقل في توقيت نشره.
أخذ التقرير في جزئه الأول منحى سوسيولوجي، رصد الظاهرة في إطارها الإجتماعي، وكانت خلاصته ذات دلالة عميقة: "النهضة الإسلامية أيديولوجية، جماعة من الناس، حركة، لكنها أيضًا أسلوب حياة." حيث تتبع تمظهرات الحركة في المسجد وفي الحي، في الأعراس والرياضة والفن والتعليم والثقافة ...
تبدو ملاحظات الصحفية دقيقة ولماحة، وعلى وعي بأبعاد الظاهرة، وبعض ملاحظاتها واستخلاصاتها، مثلت قواعد في التعامل مع الظاهرة من حيث أهميتها و"خطورتها" استمرت لحد الآن، كالإنتباه للدور المحوري والخطير للمساجد، وللطابع "المزدوج" للحركة، وتطلعها للجمع بين القديم والحديث، وللروح النضالية لأفرادها وزعمائها، واستعدادهم الكبير للحوار والمنافحة عن أفكارهم.
ويكفي للدلالة على أهمية التحقيق، أن التسمية التي التي اعتمدتها الصحفية خريجة العلوم السياسية من فرنسا، وهي "الإسلام الاحتجاجي"، أخذت مكانها في الوسط الأكاديمي، واعتمدها عالم الاجتماع عبد الباقي الهرماسي، عنوانا لبحث معمق حول الحركة بعد حوالي خمس سنوات، وبعدما انتقلت الحركة من "الجماعة الإسلامية" إلى "الإتجاه الإسلامي"، حزبا سياسيا تقدم لطلب التأشيرة القانونية في 6 جوان (يونيو) 1981، وفاعلا رئيسيا في الحياة السياسية التونسية، وفي بقية المجالات الحيوية في المجتمع.
يمكن الإشارة إلى أن التحقيق جاء بعد انتفاضة 26 جانفي (يناير) 1978 العمالية، التي مثلت زلزالا كبيرا في الساحة التونسية وداخل الحركة الإسلامية بتونس، ووضعت قضية الحريات في صدارة اهتمام ومطالب النخبة التونسية. ويبدو انعكاس ذلك على الفقرة التي ختمت بها الصحفية التحقيق : " يرى معظم القادة الذين تمت مقابلتهم أن هذه الصحوة الإسلامية تذبذبٌ طبيعيٌّ، لا يمكن أن يكون خطيرًا، بقدر استجابته للحاجةٍ إلى حرية التعبير. تتشارك الحكومة والمعارضة الموقف نفسه تجاه حركة التجديد الإسلامي. ويقولون: "إذا أصبحت الحياة السياسية أكثر تحررًا، فستجد هذه الحركة مكانها الصحيح، ويمكن اعتبارها تيارًا من بين تيارات أخرى". في غضون ذلك، تنمو الحركة".
فهل تواصل هذا الموقف على ذلك النسق، أم حصلت فيه ارتدادات وتشعبات من الطرفين؟ لقد صيغت مقاربات متعددة حول الموضوع من جميع الأطراف، ولا زالت ورشة الجدل قائمة.
حظي التحقيق باهتمام كبير من الحركة، وخصصت له مجلة المعرفة مقالا للحديث حوله. وقد لقي التحقيق قبولا مرضيا، برغم بعض الملاحظات النقدية على مضمونه، وعلى ما اعتبرته الحركة انزياحا عن الموضوعية، وتنميطا مسبقا لبعض أفكارها وعلاقاتها، كالعلاقة بالسعودية والانتماء للإخوان المسلمين.
لا شك أن هذا التحقيق يعتبر مرجعا مهما للباحثين في تاريخ الحركة الاسلامية بتونس، ولهذا السبب قدرنا أن نشره الآن ضروريا لفهم "المحددات" والشروط الموضوعية لنشأة الحركة الإسلامية بتونس.
نقدم في ما يلي نص الجزء الأول من التحقيق بأصله الفرنسي:
L’islam contestataire en Tunisie
(1e partie)
Une grande enquête de notre correspondante à Tunis Souhayr Belhassen
Article publié dans “Jeune Afrique” N° 949 en date du 14 mars 1979
À la Cité populaire El Khadra (proche de la zone industrielle de Tunis), il y a un mariage. Surprise! À la Cité nul n’est au courant. Ni les vieux, ni les jeunes, ni même les gosses...
Un groupe d’hommes devant une maison bavarde à voix basse. Aucune agitation, aucun you-you. Est-ce un mariage ou un enterrement?...
Le marié est pourtant l’épicier du quartier, une personne aisée, qui peut facilement se payer un mariage bruyant… Mais l’épicier se marie selon les principes du Coran. Ses amis et parents, une trentaine d’hommes, l’entourent et participent à cet acte « recommandé par Dieu » mais qui doit rester simple.
Dans la douceur du crépuscule, sous l’oranger qui embaume, on a déroulé des tapis. Autour du marié en complet, cravaté à l’européenne, ses amis, assis en tailleur, entonnent des chants liturgiques. Un jeune homme sert du sirop d’orgeat, en attendant qu’arrive le plat de couscous. Lorsque le plat sera vide, tout sera terminé et le marié pourra aller chercher sa femme...
Côté femmes, la simplicité surprend davantage, surtout lorsqu’elle se manifeste dans un milieu aisé.
Autre mariage, entre un avocat et une étudiante cette fois... La mariée, habillée d’un caftan, a une toilette qui lui tombe sur les épaules. Aucun bijou; seule fantaisie, une fleur piquée sur la tempe... Pas de maquillage non plus, les lèvres sont à peine rosées. Beaucoup de femmes voilées l’entourent, bavardent, plaisantent et, là aussi, entonnent des chants liturgiques. Les gâteaux circulent mais personne ne s’avise de chanter des chants profanes. Pas question non plus de danse du ventre!
Lorsque le marié est annoncé sans les klaxons d’usage, il n’y a plus que les flashs des appareils, parmi lesquels un photographe amateur, seule « concession » au « modernisme ».
Le renouveau islamique, c’est une idéologie, des hommes, un mouvement mais c’est aussi un mode de vie.
Dans la Tunisie de la tolérance, de la douceur de vivre et du tourisme, une société parallèle est en train de naître, de se développer, de s’organiser. Elle a ses lois et ses règles. On s’y refuse à parler français et on ne serre pas la main à une femme. Il est évidemment exclu que celle-ci se produise sur scène...
Ainsi, les deux troupes de théâtre « musulmanes », qui ne se produisent qu’en privé, sont exclusivement masculines. Celle de Bab El Djazira produit deux pièces, la Cité des Roses et Robayechia ou’ l’action tourne autour de la réponse de l’islam à l’exploitation des ouvriers.
Les groupes musicaux sont nombreux. Ils sont féminins ou masculins. Jamais mixtes. Leur répertoire est composé de chants liturgiques, mais aussi de chants exaltant l’ardeur islamique.
Cette austérité rebute parfois certains jeunes qui, malgré leur engagement, préféreraient un islam plus moderne. M’Hamed, 21 ans, est dirigeant d’une des 42 équipes sportives « islamiques ». Les équipes de sport, de football surtout, comme les associations musulmanes de scouts, relèvent en général de la mosquée du quartier. Le but des matchs qui se déroulent au stade du quartier, explique M’Hamed, n’est pas tellement la competition sportive elle-même, mais plutôt un moyen de prouver aux jeunes que l’islam n’est pas rabarbatif. Les shorts des footballeurs leur arrivent jusqu’aux genoux et, islam oblige, les coups et les insultes sont prohibés.
Juché sur une bicyclette de course, M’Hamed, qui est vendeur dans une librairie à 50 dinars (environ 27 000 F CFA) par mois, affirme que depuis qu’il est avec ses “frères”, il se sent utile, mais, dit-il, « pour moi l’islam ne doit pas être triste! Puisque je suis heureux d’être engagé avec eux, parfois j’ai envie de le chanter, de le danser. Or, l’islam l’interdit!».
Aux loisirs sportifs, islamiques s’ajoutent bien des activités intellectuelles.
La littérature du mouvement a pignon sur rue: dans un quartier populaire de Tunis, la librairie et maison de diffusion Arraya (le drapeau) édite une centaine de titres et propose près de 2 000 ouvrages. Les publications ont l’aspect austère des brochures de propagande soviétiques ou chinoises.
Les best-sellers atteignent une vente de 10 à 15 000 exemplaires et concernent des œuvres d’auteurs égyptiens (Hassan El Banna, fondateur des Frères musulmans, et son disciple Sayyid Qotb) ou celles du poète pakistanais Mohamed Iqbal.
La revue du mouvement El Maarifa (la connaissance) n’est tirée qu’à 5 000 exemplaires, mais cette faible diffusion est compensée par le succès des cassettes “la nouvelle arme du siècle”, comme le dit un de ses leaders. Un petit commerçant de la medina déclare vendre 500 cassettes par mois d’enregistrements faits à Tunis des prêches du cheikh égyptien Abdelhamid Kouchk.
Sur le plan de l’organisation, il y a également un groupe d’études et d’information (exactement groupe de « la chasse aux nouvelles »). Ce groupe a pour tâche de propager les publications favorables à la cause ou au contraire de jeter l’anathème sur d’autres. C’est ce groupe qui a la responsabilité des « journaux muraux » (visibles surtout dans les mosquées) et des affichettes. Sur les murs de la rue piétonnière Charles-de-Gaulle, au cœur de la ville, on peut lire: « la prière est un pilier de l’islam. »
“A l’école primaire, mon instituteur m’a incité à faire la prière – raconte Ahmed un jeune homme de 16 ans – puis j’ai arrêté pendant des années: Il y a trois ans, j’ai rencontré “les messagers” qui se déplacent toujours par trois. Il y a El-Emir (le prince), El-Delil (le guide), El-Khatib (l’orateur-propagandiste). Ils m’invitèrent à assister aux “leçons” qu’ils donnent à la mosquée du 20 mars au Bardo (proche banlieue de Tunis) et ce n’est qu’après quatre mois passes en isolement complet avec d’autre frères dans une autre mosque à lire et à comprendre le Coran qu’aujourd’hui, à mon tour, je suis devenu propagandiste”. Coiffure afro, blouson noir, tee-shirt, jeans et sabots, Ali est encore imberbe mais il laisse pousser ce qu’il peut: « Je vais en cours puisque je n’ai rien d’autre à faire, et qu’au moins il n’y a pas rafle. »
À 24 ans, son “frère” Mohsen se declare écoeuré par la dégradation des mœurs, les films, les femmes qui se prominent pratiquement nues… Ouvrier, il est contre les grèves. “J’arrive toujours à m’entendre avec mon patron qui est un militant islamique engagé. »
Certaines entreprises publiques et privées encouragent avec ostentation ce retour à la foi. Tel polytechnicien, P.-DG d’une des plus importantes sociétés d’État, inaugure son mandat par une cérémonie de lecture du Coran dans son bureau.
Il n’est pas rare de trouver dans l’antichambre d’un ministre quelque’un en train de prier. Les casernes sont un terrain de d’action (recent) du mouvement. Mais rien n’égale la force de persuasion de l’enseignant. Une mère, qui se situe politiquement à gauche, sa toujours tenu à mettre ses enfants dans une école publique.
« J’ai été obligée, cette année, de faire changer d’école à ma fille ainée.”. “L’année derniére, on les emmenait tous les vendredis après-midi dans une mosquée…”. Cette autre mère declare que son fils (12 ans) lui interdit de regarder les programmes français à la télévision et l’oblige à porter des jupes longues. “C’est par l’école que nous devons préparer la société islamique de demain », me dit une enseignante.
تاريخ أول نشر 2025/11/1
